jeudi 16 juin 2016

Maître Eckhart contre la hiérarchie des anges.

La Hiérarchie céleste comporte trois ordres: les Séraphins au sommet, les Chérubins en position médiane, et les Trônes en position inférieure.

Les Séraphins, au plus près du Premier Principe, sont l'expression divine de l'unité, de la perfection et de la science.

Les Chérubins expriment le pouvoir divin d'illumination et de contemplation. Parmi eux on trouve par ordre d'importance hiérarchique: les dominations, les vertus et les puissances.

Les Trônes expriment le pouvoir divin de purification. Parmi eux, on trouve par ordre d'importance hiérarchique: les principautés, les archanges et les anges.

Les anges sont donc à l'échelon inférieur de l'échelle et servent d'intermédiaires entre le monde d'en-haut et le monde d'en-bas avec les hiérarchies humaines.

Au Moyen-Age, Dieu est considéré comme disposant de la puissance absolue (il agit quand il veut et où il veut) mais aussi de la puissance ordonnée qui s'exerce par des chaînes de médiations descendantes. En revanche, dans le sens inverse, le subalterne doit demander l'intercession d'un niveau supérieur hiérarchique pour remonter vers le divin.

Toute hiérarchie est un système de médiation asymétrique, il y a une distance du bas vers le haut mais du haut vers le bas elle est abolie.

Pourtant, selon Saint Thomas d'Aquin « la loi de la hiérarchie est que les hommes reçoivent de la part des anges comme le dit Denys. »[1] Mais le Christ reçoit lui directement du Verbe qui lui est uni.

Et pour Eckhart l'âme humaine est également capable de s'unir à Dieu en s'élevant au-dessus des anges par une sorte de surcapacité, c'est-à-dire une surcapacité [d'accueil n.d.r.] de contenus divins, car elle n'a à priori aucune place hiérarchique particulière. Cette surcapacité est la libre vacuité. En faisant advenir le néant l'homme dépasse l'ange et n'est plus "assigné à résidence" mais dispose
d'une mobilité dynamique fondée sur le néant, incréé et incréable advenu en lui-même.


Plus tard, Angelus Silesius, Johannes Scheffler (1624-1677) appellera cette surcapacité de l'âme la «surangélicité ».

Mais la « surangélicité » ou la conversion augustinienne, vu par les Rhénans du MA, en remettant en cause la dissymétrie de la hiérarchie céleste remet également en question la hiérarchie ecclésiastique. Elle rétablit l'équilibre par l'immédiateté où l'âme humaine doit se dépouiller des images, des formes et des représentations dans un mouvement de « déconstruction » ( ent bildung) des images, autrement dit de tout medium créé. Ansi de manière générale la "surangélicité" est l'oeuvre d'anéantissement de toutes choses.




[1] Thomas d'Aquin, Super Sent., lib. 3 d. 14 q. I a 3 qc 6 s c l

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