Dans « Par-delà le bien et le mal» Nietzche évoque ce qu'il appelle « la superstition de l'âme» qui serait en fait une triple superstition: celle du sujet, celle du Moi et celle du
Je, dont il dit qu'au départ ce devait être un simple jeu de mots ou une équivoque
grammaticale; une espèce de « généralisation téméraire, abusive, de faits
très restreints, très personnels ... »
En écho à son prédécesseur, Michel Foucault, dans « Les mots et les choses », parle de la « mort de l'homme », Cette mort qui comporterait deux aspects:
o 1er
aspect : la réduction de la subjectivité comme objet d'étude par
les sciences humaines (19éme et 20éme siècle) ;
o 2éme aspect confondu avec le
premier: l'homme n'a jamais cessé de s'auto-construire mais ce faisant il a sans arrêt déplacer, déformer et transfigurer
sa subjectivité au travers de figures changeantes car le sujet évolue au rythme des objets de connaissance qu'il construit [constitue].
Selon Foucault, la figure de l'homme en tant que sujet (Moi ou Je) serait une invention récente apparue
au 16éme siècle à l'époque où le sujet religieux se
revendiquait capable d'accéder à Dieu sans la médiation ni des prêtres ni de l'Eglise.
Historiquement, ce n'est pas tout à fait exact, car le rejet de la médiation remonte déjà au Moyen-Age et est central dans la théologie de la mystique rhénane. Ce rejet est celui de Denys le Pseudo-Aréopagite
figure majeure du Christianisme néo-platonisant. Ce qui est refusé c'est la Hiérarchie et la hiérarchie des anges placées entre Dieu et les hommes.
La cause de ce rejet est la métaphysique augustinienne de la conversion qui s'oppose directement à l'idée d'un monde intermédiaire et pose ainsi les premières fondations de la question du sujet humain.
Littéralement le terme sujet parait être de nature politique autrement dit « sub-jectum » signifie celui qui est placé sous, subordonné à quelqu'un. La vision hiérarchique est essentiellement une vision logique des choses (cf L'arbre de Porphyre concentrant l'essence de la vision hiérarchique: le général en haut, le particulier en bas).
Mais au Moyen-Age, au 13ème siècle précisément, eurent lieu à l'Université de Paris de grands débats portant sur le thème de la conversion augustinienne et ces derniers vont remettre en cause l'ordre hiérarchique d'où naîtra ensuite un sujet non plus
politique mais un sujet psychologique.
Concrètement et principalement à Paris donc il y eut de grandes controverses entre théologiens et philosophes. Ces discussions portaient sur la question de savoir quelle est la vertu suprême: était-ce la magnanimité
(voir Aristote dans l’Ethique à Nicomaque) ou bien l'humilité chrétienne?
La question étant insoluble, Maître Eckhart va proposer une idée nouvelle à savoir que l'humilité consisterait à rejeter tout intermédiaire et corollairement
s'humilier ce serait se placer au plus haut pour être directement subordonné
à Dieu d'où la notion de « conversion» à Dieu; cette conversion est la loi de l'immédiateté, qui induit
un « plus d'être» s’opposant au rejet de Dieu, « l'aversion» qui est la loi du « moins d’être
», L'homme humble n'a donc pas de supérieur, il s'élève au-dessus de toutes les créatures.
Antérieurement, dans la thèse hiérarchique ou politique, Dieu est à
proximité de toute chose alors que toutes choses sont à des distances variables de Dieu, c'est la loi de
l'immédiateté causale du Premier. Dieu peut se passer des intermédiaires mais inversement l'inférieur ne peut jamais accéder
au supérieur sans passer par un intermédiaire.
Alors il est incontestable que nous sommes déjà, avec ces débats du 13ème
siècle, en présence de la question du sujet telle quelle se formulera lors
de la réforme religieuse du 16ème siècle.
Comme Foucault se soucie non pas essentiellement de la naissance du sujet
mais plus spécifiquement de la « mort de l’homme» né pour lui au 16ème
siècle, cet homme qui ne serait plus, précise-t-il, un objet de savoir, ce
dernier donc laisserait un vide [ ... où il serait possible de le repenser en
tant qu'objet de savoir? N.D.R].
Plus exactement, si l'homme est apparu au 16ème, l'homme de
Foucault (disparu aujourd'hui) serait non pas exactement celui de la Réforme
mais plutôt celui de l'anthropologie kantienne du 18ème siècle, car
il n'y a pas d'histoire de l'homme sans anthropologie [et d’anthropologie
point n’est avant Kant, N.D.R.].
A ce stade de la réflexion, Foucault rejoint Nietzche quand
il écrit: « Nietzche a retrouvé le point où l'homme
et Dieu s'appartiennent l'un l'autre, où la mort du second est synonyme de la
disparition du premier »,
Alors, poursuivant sa pensée, la tâche serait
maintenant de déraciner l'illusion anthropologique depuis Kant (cf. Kant « l'Anthropologie d'un
point de vue pragrnatique»)
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