samedi 17 octobre 2015

Interlude

Je viens de voir un hérisson écrasé sur la route et j'en ai le cœur retourné, non pas d'avoir vu la scène qui est malheureusement tellement ordinaire mais, à l'idée que cet accident s'est passé dans une indifférence "cosmique".

Voyons, que vaut un hérisson au regard du droit de circuler sans égard pour rien !

L'homme ordinaire ne pense pas mais il est formaté par l'esprit du temps qui fait de la faune comme de la nature, un réservoir inépuisable de ressources. Et quoi que nous fassions, la biodiversité survivra toujours car la Providence pourvoit à ses intérêts, donc finalement nous les hommes n'avons qu'à nous soucier de nous-mêmes.

Vive l'insouciance mortifère!  Chacun pour soi et Dieu pour tous, dit l'adage. Cette idée providentielle considérant que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes on la trouve formulée ironiquement contre Leibniz par Voltaire dans le "Candide" :

“Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.
Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes […] il fallait dire que tout est au mieux. ” [1]

Mais cette Providence pourvoyant aux intérêts de tous  est "dans les cartons" déjà depuis au moins les Stoïciens, on la trouve beaucoup plus tard chez Spinoza et finalement en économie chez Adam Smith avec sa désespérément trop célèbre "main invisible". 

Elle nous colle à la peau car pratique, elle nous exonère de beaucoup de responsabilités en réduisant nos devoirs à la simple défense d'intérêts particuliers.

Hier, dans un article de presse, un météorologue de réputation internationale affirmait son climato-scepticisme. Il avançait des arguments dont je ne peux juger du bien-fondé, mais seraient-ils justifiés que sa démarche cache mal l'affirmation implicite que nous n'avons pas à nous effrayer du réchauffement planétaire car le climat connaît toujours des cycles où se succèdent hausses des températures et refroidissements, or d'après lui nous reviendrions bientôt à des températures moyennes plus basses.

Il faut comprendre que, d'après cet expert, nous n'avons pas à changer quoi que ce soit dans notre mode de vie, de toute façon la nature rétablira les équilibres. Alors continuons à faire n'importe quoi, préoccupons nous de nous exclusivement, pour le reste, il y a la sacro-sainte Providence.

De grâce, ne soyons plus irresponsables !




[1] Chapitre 1 du Candide de Voltaire

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