Le moi moderne comme le définit Jean-Pierre Vernant, c'est-à-dire comme une
conscience de soi réfléchie, pose une question majeure à propos des identités
ancienne et contemporaine : sont-elles vraiment si différentes ou reste-t-il
une parenté entre les deux ?
Pour rappel:
Chez les anciens, le moi en tant qu'identité du sujet ne semblait pas être
liée à une conscience réfléchie, de son point de vue l’historien précise que le
moi en Grèce archaïque n’est ni délimité, ni unifié. car si « je » en tant que
conscience réfléchie peut s'identifier au monde intérieur des pensées et des affects,
il n’y a aucune trace de tout cela dans les récits et les textes de l’Antiquité
grecque parce l’individu se projetait uniquement en tant que conscience non
réfléchie sur des éléments matériels extérieurs de type corporel (ex : aptitudes
physiques, beauté), matériel (ex richesses), social (ex famille, noblesse), politique
(ex idéologie), religieux (ex pratique et militantisme sectaire) et peut-être
aussi dans un certain nombre de perceptions sensorielles ou un certains nombres d'actions remarquables. Mais de toute
évidence, semble-t-il, un grec de l’antiquité ne se serait jamais reconnu à travers
des éléments d’introspection car l'homme est le miroir de son milieu mais aussi
le milieu est un miroir pour lui, autrement dit son moi n'est pas une conscience
réfléchie de l'intérieur mais au contraire une conscience réfléchie de
l'extérieur.
Dans la foulée, aujourd'hui, il est donc légitime de se demander comment l’homme moderne
s’identifie ?
Or si l’on interroge un inconnu dans la rue en lui posant la question « qui
êtes-vous ?», avec certitude on aura une réponse du genre sans doute :
« je m’appelle Pierre, mon frère s’appelle Paul. Je suis père de famille
et j’habite une telle rue dans telle ville. Ma profession est ingénieur civil…
etc, etc.
Nous constaterons que rien n’a changé, la manière de se présenter reste
quoi qu’on en pense purement formelle et objective. La subjectivité chrétienne introduite
avec l’examen de conscience reste étrangement absente de tous les discours tenus
sur soi. Et d’ailleurs dans une société de compétition il est totalement sans
intérêt de savoir qui l’on est vraiment en dehors des qualités de chacun reconnues
ou revendiquées.
Combien d’hommes et de femmes ont fait une psychanalyse, combien pratiquent
la médiation ou sont intéressées par les pratiques new âge ?
Sans grand risque d’erreur on peut avancer que la fraction de cette
population est très faible et généralement concerne des personnes
financièrement et socialement avantagées.
Aussi en conclusion on peut dire que le moi moderne n’est guère plus
délimité, ni guère plus unifié que le moi archaïque.
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