lundi 21 septembre 2015

Chez les mages grecques et chez Platon l'âme n'est pas le moi.

A cet égard les dialogues platoniciens, sortis de leur contexte, peuvent nous tromper :
(Lois, 959 a 6-b 4):

"Ce qui constitue chacun de nous n'est autre chose que l'âme[...]l'être qui est en réalité chacun de nous, et que nous appelons l'âme immortelle, s'en va, après la mort, rejoindre les autres dieux".

(Alcibiade 130 c): 

"Quand Socrate dialogue avec Alcibiade, ce n'est pas à ton visage qu'il parle, mais à Alcibiade lui-même, et, cet Alcibiade, c'est l'âme". 

La représentation platonicienne de l'âme immortelle (psukhe) trouve son origine chez les mages dont nous évoquions l'existence dans l'article du 8 septembre, mages qui par des techniques de concentration et d'épuration du souffle voulaient unifier toutes les parties de l'âme afin de lui permettre de se détacher du corps et de circuler dans l'au-delà, pratique qui précisément exclut l'idée d'une âme traditionnelle mortelle n'étant qu'un double sans force du corps voué à la disparition après le décès.

Par conséquent, l'âme est impersonnelle, tend à se fondre avec le Tout de l'ordre cosmique et n'est donc pas un moi psychologique uniquement personnel.

Première raison à cela : elle est diamétralement opposée au corps, à ses limitations, à sa finitude et donc aussi à tous les traits psychologiques de la personnalité.

Deuxième raison : les âmes sont en nombre défini, même nombre que les astres auxquelles elles sont attachées; elles représentent le divin en nous. Par contre, il y a une infinité de corps véhicules de l'âme, et cette dernière doit se purifier autant que nécessaire au travers de l'incarnation - de règne en règne et de génération en génération - avant de rejoindre son étoile.

La mnémotechnique utilitaire des Sophistes et le rattachement de la mémoire à la partie sensible de l'âme chez Aristote feront de la mémoire un élément de la personnalité, mais en aucun cas chez les mages et les pythagoriciens elle ne servait à se remémorer le temps d'une vie comme chez les poètes lyriques, ni l'ordre du temps comme chez les historiens. Au contraire la mémoire permettait de sortir du cycles des incarnations en se remémorant la totalité de existences.

Si au-delà de ses fondements théoriques, la psuckhe sera finalement personnalisée par Platon c'est au travers d'exercices mentaux engagés dans la cité uniquement destinés à ce monde-ci.

Le moi n'apparaîtra que lorsque le besoin de soumettre l'inférieur (besoins, plaisirs, etc.) au supérieur (l'âme noétique) se fera jour afin qu'en société les hommes deviennent libres et maître d'eux-mêmes.
Dans cette perspective ils pratiqueront une ascèse morale qui faisait partie de l'éducation (la padeia) grecque. En tout état de cause cette askesis n'avait de sens que dans la cité.

Et encore au 1er siècle de notre ère l'ascèse stoïcienne avec le souci de soi  ne dérogera pas à la règle du sens social même alors qu'il ne s'agissait plus tellement de se dompter mais de jouir de soi-même sans désir et sans trouble.  



 


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