Le précédent article visait la signification de la « volte
vers soi », or maintenant il faut voir comment cette pratique du sujet
s'articule avec le dire-vrai et le savoir.
Chez les cyniques.
On considère que la connaissance de la nature chez les
cyniques est désavouée mais le propos doit être nuancé notamment à l'égard de
Diogène de Sinope qui fut un temps précepteur de jeunes enfants et enseignait
bien les sciences.
En revanche à l'époque impériale romaine Demetrius cherche
plutôt la connaissance utile. Il emploie le modèle de l'athlète qui doit juste
maitriser et se concentrer sur la connaissance de quelques gestes.
De même le philosophe doit éviter tout ce qui est inutile
c'est-à-dire notamment la connaissance du monde et se concentrer sur la
connaissance utile à la vie humaine (domination des craintes y compris des
hommes, des dieux et de la mort, indifférence au hasard, mépris des frivolités,
etc.).
La connaissance inutile de la nature se caractérise par le
principe de causalité et la recherche futile et spéculative des causes à
l'origine des phénomènes. Quand elles ne nous distraient plus de l'essentiel,
elles ne sont pas interdites en supplément ornemental à une âme déjà retirée à
l'abri.
Demetrius oppose la connaissance des causes à une
connaissance de préceptes relationnels prescriptifs et principiels qui
transforme le sujet. Il ne cherche pas à définir les secrets de l'âme ou de la
nature humaine comme ce sera le cas plus tard notamment chez les chrétiens.
Ces connaissances prescriptives modifient la manière d'être
(êthos) et ont pour effets de calmer l'âme et de la rendre bienheureuse en
ayant produit de l'êthos.
Donc l'opposition connaissance de la nature connaissance du
sujet n'est pas pertinente il s'agit plutôt de la distinction entre
connaissance causale et connaissance relationnelle.
Chez les épicuriens.
La connaissance qui produit de l'êthos (manière d'être),
c'est la phusiologia (connaissance de la nature) mais pas le savoir culturel
(padeia). Les artistes du verbe, les faiseurs de mots appréciés des foules ne font pas usage du logos mais de la parole qui fait seulement du bruit.
La physique prépare (paraskeuê), et cette préparation c'est
ce qui permet d'être stable, autonome, satisfait, ce qui permet aussi de faire le partage - comme chez les stoïciens - entre ce qui dépend de soi et ce qui dépend du monde mais encore de donner à l'âme
ses armes pour la victoire : l'intrépidité, la hardiesse contre les
sollicitations du monde, contre les croyances et l'autorité qu'on lui impose.
La phusilogia est la connaissance en tant que principe de
conduite capable de transformer le sujet, de lui donner de la sérénité et de la
liberté de parole (parrehêsia), c'est-à-dire un discours proche de la prophétie
qui est vrai et qui prescrit au contraire de l'opinion. La connaissance n'a
d'autre fin que l'ataraxie.
Comme chez les cyniques, il n'y a pas de frontière entre
savoir de la nature et savoir du sujet. Ce n'est pas un déchiffrement de la
conscience par elle-même, ni une auto-exégèse
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