Avec l’idée de conversion à soi, on a vu qu'il ne s'agissait
plus de simplement faire attention à soi mais il fallait ajouter un effort,
sorte de déplacement du sujet ou de retour à soi. Elle est illustrée par la
métaphore de la navigation en ce qu'elle nécessite un déplacement, une
destination (le port, le havre), un port d'attache (sa patrie), les risques ou
les dangers du voyage, et un art du pilotage.
Jamais l'éthique de soi ne fut
aussi dominante qu'à l'époque hellénistique et romaine même si on la trouve
perpétuellement dans notre histoire (Montaigne, Schopenhauer, Stirner,
Nietzsche, Dandysme, Badelaire etc.).
A partir du moment où le souci de soi devint aussi radical
que la conversion à soi il faut se demander si le sujet ne devient pas lui-même
objet de connaissance? N'est-ce pas là les prémices des sciences de l'esprit
que l'on nommera beaucoup plus tard la psychologie ?
La réponse est complexe !
Tout d'abord le modèle hellénistique et romain a été dominé
par les modèles platonicien et chrétien.
Le modèle platonicien du souci de soi (réminiscence)
- Découverte de l'ignorance;
- Connaissance de soi c'est-à-dire l'âme;
- Réminiscence: l'âme se souvenant de ce qu'elle a vu se souvient de ce qu'elle est. ;
Le modèle Chrétien
(exégèse)
- La connaissance de soi se donne dans la connaissance des textes de la Révélation.et le cœur doit être purifié pour accueillir la Parole. La vérité est celle des écritures qui ne peuvent être comprises par un cœur impur. C'est un modèle circulaire: Révélation de la vérité àcœur pur à connaissance de soi, et connaissance de soi àpurification du cœur à Révélation de la Vérité;
- La purification implique le renoncement aux illusions intérieures et aux tentations de l'âme. C'est une exégèse de soi, un déchiffrement;
- Enfin le but n'est pas de se retrouver mais plutôt de renoncer à soi.
La Gnose des premiers siècles est dominée par le modèle
platonicien alors que le christianisme développait l'exégèse.
Ces deux modèles nous ont été transmis par l'Eglise
Chrétienne dans toute la culture occidentale. Pourtant il existe bien un
troisième schéma qui a été totalement éclipsé par la réminiscence et l'exégèse
(fin de l'antiquité début de notre ère) c'est le modèle hellénistique: l'auto
finalisation du rapport à soi
Le modèle
hellénistique (conversion à soi)
- Le souci de soi est privilégié par rapport à la connaissance de soi;
- Le soi est l'objectif à atteindre;
- Il se fonde sur une morale austère (que le christianisme adoptera plus tard).
Ce modèle n'accorde pas plus d'importance à la connaissance
de soi qu'à la connaissance de la nature.
Pour les stoïciens, les épicuriens ou les cyniques, les
connaissances quelle qu'elles soient sont soumises à l'art de vivre (tekhnê tou biou) ;
Chez Sénèque
Il critique l'enseignement, le savoir ostentatoire et
vaniteux et recommande de ne pas trop lire mais d'approfondir un ou deux livres car il préfère la méditation par la technique des sentences en tant qu'énoncés
de vérité.
Mais dans « questions naturelles », ouvrage tardif, il étudie le
ciel, l'air, l'eau, la terre et les météores.
Pourquoi cet intérêt nouveau pour les causes naturelles ?
Essentiellement en raison de la vieillesse: ce parcours du monde est nécessité par le besoin
d'achèvement de la vie, il se sent vieux et pressé de connaître les causes
naturelles. Pour Sénèque il faut traverser la vie d'un trait, au plus vite et comme il a
perdu beaucoup de temps il doit se presser de s'occuper de soi et donc le reste est sans
importance, c'est-à-dire le savoir historique (la vie des rois, leurs
conquêtes, les guerres, les souffrances etc.). Bien entendu le savoir historique ne se confond pas avec la
connaissance de la nature. Pour Sénèque la vraie grandeur est la maîtrise sur
soi, le contrôle des vices, la fermeté dans l'adversité, la lutte contre les
plaisirs mais pas les grandes victoires militaires ou politiques, l'homme doit chercher son bonheur dans son propre esprit, la qualité de son âme et se
sentir libre, mais aussi se sentir prêt pour la mort.
Par ailleurs, se soucier de soi ce n'est pas se lancer dans
toutes sortes d'activités profitables à son bien-être qui finalement nous
aliènent davantage, mais c'est se libérer de cette forme d'esclavage activiste, or pour cela il faut inspecter
la nature des choses, et alors seulement l’étude de la nature nous assurera cette libération.
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