mercredi 1 juillet 2015

LA CONVERSION DU REGARD OU LA VOLTE VERS SOI

On a vu que le souci de soi s'est désenclavé de la pédagogie (Alcibiade), mais aussi qu'il est devenu à l'époque impériale un véritable art de vivre passant d'un rapport maître disciple strict à un véritable rapport social où l'on retrouve notamment mais pas exclusivement ce lien disciplinaire.

Concomitamment le souci de soi établi dans une perspective politique est devenu une préoccupation purement individuelle salutaire à soi-même en repoussant les attraits du monde extérieur, en se retournant ou en se convertissant à soi-même et alors étonnamment cette pratique aurait des effets bénéfiques sur la collectivité.

Chez Platon la conversion c'est l'epistrophê où le principe est de se détourner des apparences, de reconnaître son ignorance puis de s'occuper de soi (âme) et de faire acte de réminiscence. La clé de l'epistrophê est le rejet du monde sensible comme valeur de vérité par un dégagement de l'âme du corps-tombeau.

Au 1er et 2éme siècle on ne joue plus sur la dualité âme/corps, monde d'en-haut/monde d'en-bas. La conversion sera immanente en écartant ce qui ne dépend pas de nous de ce qui en dépend. Le rôle de la connaissance est largement infléchi.

L'epistrophê fait place à la conversion (metanoia) non pas chrétienne mais hellénistique qui est un arrachement ou une rupture à l'égard de tout ce qui n'est pas soi et le rend esclave, autrement dit c'est une désaliénation. On se dégage du monde et on retourne chez soi, notre forteresse intérieure qui doit être équipée, armée pour se défendre et en jouir car il faut être maître de soi.

Il n'y a pas de transmutation du soi comme chez les chrétiens mais une appropriation de la subjectivité. Ce n'est d'ailleurs pas une conversion stricto sensu mais une conversion négative par le rejet de ce qui n'est pas soi, on veut éviter le repentir de se négliger alors qu’au contraire les chrétiens, de leur côté valorisent la repentance.

Pour Pierre Hadot l'epistrophê c'est le retour de l'âme à sa source, à la pureté de l'être par l'éveil. Dans sa grille d'interprétation, il lui oppose la pensée occidentale de la metanoia prise au sens chrétien de ré-enfantement ou de renouveau radical.

Michel Foucault estime pour sa part que la pensée philosophique du 1er et 2éme siècle n'est ni une epistrophê, ni une metanoia chrétienne.

Sur quel élément se base-t-il ?

Sur la conversion du regard décrite chez Sénèque, Marc-Aurèle, Epictète, etc.

La conversion du regard est la concentration de l'attention sur soi en faisant abstraction du monde extérieur, se regarder soi-même et non les autres par curiosité ou pour tout autre motif. Ce n'est pas le connais-toi socratique ni même l'observation chrétienne comme examen de conscience où il s'agit d'écarter les péchés, les tendances mauvaises. Plutarque propose divers exercices pour lutter contre la curiosité mais le but est d'avoir l'attention focalisée sur l'action droite guidée vers un but par le maître intérieur. Comme l'athlète en plein exercice est tendu vers un objectif, il faut faire le vide autour de soi. Présence de soi à soi à cause de la distance qui nous sépare de nous-même. Ici, il n'est donc pas question de connaissance de soi

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