Nous avons vu que chez Sénèque se libérer de soi signifie
étudier la nature des choses pour ne plus être asservi aux labeurs et aux
exigences matérielles de la vie.
La philosophie a pour Sénèque deux aspects très distants
l'un de l'autre: un qui regarde les hommes (éthique du comportement) et un
autre qui regarde les dieux (élévation et illumination de l'âme).
Cette vue de haut et cet éclairage divin a 4
caractéristiques:
- Arrachement à soi-même, aux vices de l'âme ;
- L'arrachement aux défauts conduit à la « co-naturalité » avec le divin (consortium dei) ;
- L'élévation jusqu'au sommet, au point d'où viennent les lumières divines, permet de sonder et de connaître la nature du monde;
- Cette élévation ou ce nouveau point de vue, permet également de se voir comme une petite chose, un point minuscule; il nous rend capable de voir la facticité, la petitesse et l'artificialité des fausses valeurs, des fausses splendeurs de ce qui nous fut apparu précédemment comme de bonnes et grandes choses, autrement dit de ce qui nous fut apparu dans l'ensemble comme le bien. Malheureusement, la vie n'est qu'un point dans l'espace et le temps.
Conséquences.
- Libération: l'élévation - condition de la connaissance de soi comme un point dans un ensemble de causes naturelles dirigées par la Providence - est une libération mais une libération n’ayant rien à voir avec la psychologie introspective car le soi et la nature sont liés;
- Tension: se crée une tension entre le point que nous sommes et la raison universelle divine où nous nous plaçons maintenant ;
- Vertu: l'âme vertueuse sait donner la valeur naturelle aux choses, connaître les secrets de la nature et se contrôler en actes et en pensées ;
- Conversion du regard ou vision holistique plongeante: contrairement à la réminiscence platonicienne, le mouvement d'élévation de l'âme n'est pas un repli sur soi (fusse-t-il, divin), non plus un regard ascendant détourné du monde sensible par l'éros et la mémoire; mais bien au contraire, il faut voir, regarder, enquêter, parcourir le monde identifier cette « co-naturalité » de la raison divine et de la raison humaine, et voir que la première est la même que celle qui nous permet de saisir le monde. On ne passe pas d’un monde à un autre en prenant du recul, on porte simplement un autre regard panoramique sur lui sans jamais le perdre de vue.
Les âmes n'ont pas le choix du mode de vie, elles sont
déterminées par la Providence et notre monde est le seul possible, on peut juste
délibérer quant au désir de vivre ou de disparaître.
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