Le harcèlement permanent

"Homo homini lupus est", "l'homme est un loup pour l'homme" dit cette maxime latine, ce qu'il ne faut pas entendre comme une prétention à comparer l'homme à un loup ( ce dernier étant emblématiquement le prédateur type, erronément supposé  connu pour son penchant à nuire à ses congénères) car les Romains comme nous  savaient très bien que les loups ne se dévorent pas entre-eux; en revanche il faut plutôt la comprendre comme l'affirmation que notre espèce est la seule capable de s'entre-tuer ou de se nuire réciproquement.
Alors pourquoi assimiler l'homme à un loup ?
Il est un fait certain, si l'animal chasse en meute, il ne s'attaque pourtant jamais à sa propre espèce. En cela il ressemble à l'homme qui vit en société et s'entraide pour tirer profit de son environnement. Mais l'homme va plus loin quand il profite aussi de son alter ego pour en tirer un avantage, parfois malheureusement aussi sans autre avantage que de profiter du spectacle de la désolation et de la souffrance qu'il est capable d'infliger à autrui. Ainsi, il est susceptible de devenir par analogie ce que le loup n'est pas pour lui-même, à savoir un autre loup.
L'homme se distingue alors du monde vivant par sa capacité de nuisance caractérisée. 
Ah ! diront certains, quel pessimisme ! l'humanité à réaliser de grande choses, elle se distingue surtout par la raison; chez les Stoïciens on prétendait même établir une équivalence entre la Raison [avec un R majuscule] et l'ordre du Cosmos. Quelles grandes choses nous sommes capables de réaliser. Grâce à elle nous avons cultivé l'amour et l'empathie. Voyez ces mères qui pouponnent leur descendance chétive et déficiente autant sinon plus que leurs enfants rayonnant de santé alors que chez les oiseaux les plus faibles tombent du nid, voués à une mort certaine ; la plupart des animaux sont incapables de sauver leur progéniture en danger et doivent se résigner à l'abandon face à leur impuissance. 
La Raison nous aurait donné la puissance d'aimer. "Homo homini angelus est", aussi l'homme serait plutôt un ange pour l'homme. 
Certainement, mais plus souvent un ange déchu qu'un ange tout court car comme le reconnaissait déjà Jean-Paul Sarte : l'Enfer c'est les autres et j'ajouterai que du Paradis à l'Enfer il n'y a qu'un pas à franchir, c'est la porte à côté.
Est-ce voir le verre à moitié vide et non à moitié plein ? 
Les experts de la pensée positive préféreront  dire que de l'Enfer au Paradis il n'y a qu'un pas. 
Mais le problème, voyez-vous, c'est que le Paradis ne fait pas le poids face à l'Enfer. La vie est un harcèlement continu. Sans parler des grands maux comme la Shoah, les guerres ou les meurtres, quoi que nous fassions nous sommes invariablement des êtres nés pour mourir. 
Et nous nous précipitons d'autant plus vite vers le néant que nous sommes harcelés par le bruit, la pollution, la bêtise humaine, le fanatisme, l'intolérance, l'indifférence, la vieillesse, la maladie, l'exploitation, le malheur, la déconvenue et d'autres joyeusetés du même genre. La vie est en désordre croissant, elle est entropie. Le temps ne nous rajeunira jamais et nous conduit à notre perte.
On passe sa vie à gérer des problèmes et le pire n'est pas tant qu'ils se présentent mais c'est qu'on ait pas souvent les moyens de les résoudre. 
Les béatitudes énoncent la bonne nouvelle à un certain nombre d'individus qui seront heureux mais les plus heureux de tous ne seront pas ceux que Dieu (ou peut-être nous) devra consoler mais ce seront plutôt ceux à qui d'autres hommes auront donner les moyens de gérer leurs difficultés. Cette éducation passe par la philosophie et le souci de soi qui mène à la connaissance de soi car en définitive le bonheur c'est gérer l'enfer des autres. 
Il n'y a pas de véritable amour et de désintéressement sans connaissance de soi car qui se connaît ne peut plus nuire à personne même s'il le voulait, il peut juste édifier.